Le Voirloup

   Que se passe-t-il lorsqu’un homme ou une femme se rend coupable des sept péchés capitaux tout à la fois ? Pour les habitants du pays d’Othe, une région boisée du Bassin parisien, il ou elle ouvre la porte à Satan ou à Bélial. Il lui est dès lors possible de se changer en Voirloup grâce à cette aide démoniaque.

La première personne à avoir rencontré des Voirloups est le père Vivien de Maraye-en-Othe qui, alors qu’il se rendait chez un homme du nom de Balthazar Cornarot pour lui administrer les derniers sacrements, se heurta à une meute de ces créatures. Elles protégeaient la maison du mourant car celui-ci avait passé un pacte avec le Diable et devait lui donner son âme. Il n’était donc pas question qu’il s’échappe en recevant d’un prêtre l’extrême onction. Mais le père Vivien força le passage à coup d’eau bénite et put sauver le chanceux vieillard – qui, si on y réfléchit bien, n’est pas à plaindre puisqu’il a pu bénéficier de tous les avantages d’un pacte démoniaque sans céder sa place au Paradis. Tout ceci se passait dans le bois de Vire-Loup.

Mais qu’est-ce qu’un Voirloup ? S’il s’agit d’un être humain capable de se changer en animal à la minuit, ses ressemblances avec le loup garou s’arrêtent là. La transformation du Voirloup est volontaire et n’est pas restreinte aux nuits de pleine lune. Elle n’a rien d’une contrainte et semble même difficile à provoquer. J’en veux pour preuve la liste d’ingrédients suivante : afin de se changer en Voirloup, il est nécessaire de s’enduire les jambes de l’amalgame, une crème composée de semence humaine récoltée lors d’un sabbat, du sang nuptial d’une vierge, de la graisse d’un porc tué le vendredi saint à quinze heures et d’un filet de bave du Diable en personne. Une fois l’amalgame appliqué, il faut encore adresser ses prières à Satan en songeant très fort à l’animal dont on veut prendre l’apparence, tout en conservant son esprit humain. L’idée est de mêler la force ou l’habileté d’un loup, d’un renard, d’un sanglier, d’un bouc ou d’un chat, aux intentions humaines. Si le rituel est correctement réalisé, on se verra immédiatement recouvert de fourrure.

Un Voirloup est totalement invulnérable et ne peut être tué ni par les animaux ni par les humains dont il se repaît du sang. Son regard incandescent enflamme la paille et il est insensible à la douleur. De minuit à l’aube, il accomplit la volonté de Satan en semant le chaos, mais le premier rayon du soleil fait éclater la peau animale dans laquelle il est enfermé. Dans la journée, il se plaît à épier ses voisins sous sa forme humaine pour identifier ceux qui osent prononcer le nom de Voirloup. Ainsi, le malheureux qui aura parlé de lui ou aura essayé de le décrire le rencontrera invariablement à la nuit tombée – priez donc pour moi si téméraire, car mon heure est venue. Il est possible de démasquer un humain prenant la forme d’un Voirloup la nuit car une tâche rougeâtre apparaît au bas de sa colonne vertébrale et une autre rappelant une fourche à deux dents se dessine sur son épaule gauche.

 

/Spawy